TRIBUNE POLITIQUE FRANÇAISE |
25 juin 2001 |
CONTRE L.O., TOUT CONTRE ?
Renforcée par la politique d'alliance avec Lutte Ouvrière engagée
à l'occasion des européennes, puisqu'elle compte aujourd'hui un peu
plus de 1500 adhérents, la LCR vient de décider de son positionnement
à la présidentielle et aux législatives de 2002.
Les résultas sont sans surprise : les sensibilités regroupées autour
d'A. Krivine obtiennent 43% des mandats et doivent compter avec trois
courants minoritaires (cf . R&V n° 129)
Sur les trois principales questions en débat, des majorités nettes se
dégagent, au prix d'alliances à géométrie variable :
les 2/3 des adhérents (courants A et D) sont favorable à la
recherche d'une alliance stratégique avec Lutte Ouvrière
cette même majorité se retrouve pour rompre avec la tradition
d'appel à battre la droite au second tour
compte tenu du refus de L.O. d'accepter pour le moment une
candidature commune aux présidentielles, 75% des adhérents
(courants A, B et C) envisagent une candidature de la LCR.
Candidature conditionnelle pour le courant A, qui reste en attente
d'un revirement des amis d'Arlette Laguiller, candidature perçue
par les minorités B et C comme une dernière chance d'échapper à
la polarisation par Lutte Ouvrière.
Le courant de la majorité relative, appuyé par le courant D (animé
par d'anciens membres de LO) confirme l'orientation mise en œuvre
depuis 3 ans à partir de 5 considérants dont la combinaison dessine un
paysage politique français spécifique :
la crise de la droite
la politique social-libérale de la gauche plurielle
la crise accélérée du PCF
l'ampleur de la résistance sociale
la montée électorale de l'extrême gauche.
Analyse cohérente autant qu'étroite, qui établit une corrélation
hasardeuse entre des formes très diverses de radicalisation anti-libérale,
voire anticapitaliste, et une traduction politique limitée à l'union
des " révolutionnaires ", en ignorant, bien entendu,
l'existence de mouvements comme les Alternatifs, ou sous-estimant la
diversité des expressions politiques à gauche de la gauche
gouvernementale au moment des municipales ou l'ampleur des différenciations
au sein du PCF.
Analyse qui conduit à définir la politique de la LCR en fonction des
rapports avec L.O. sur le mode " je t'aime, moi non plus "
donc à présenter une candidature conditionnelle.
Dans une contribution interne, Catherine Lebrun, membre du B.P. de la
Ligue, note très justement que la question posée reste pourtant celle
d'une nouvelle force politique. Cette force, que nous caractériserions
comme rouge, verte et autogestionnaire, se dessine dans la crise du PC,
dans les remous au sein des Verts, mais surtout dans les mouvements
associatifs ou les ré-organisations syndicales sans parler des secteurs
critiques de la jeunesse.
Catherine Lebrun constate aussi que la seule tâche en réalité donnée
à la LCR (par sa majorité) est de peser électoralement, motivation
parfaitement prosaïque mise en oeuvre en tentant de se lier durablement
à une force comme Lutte Ouvrière aux antipodes d'un projet alternatif.
Alors que la LCR stérilise ainsi un potentiel militant significatif, au
moment ou les débats internes des Verts viennent de confirmer la
marginalisation politique de leur gauche, une stratégie de mouvement
s'impose.
Cette stratégie ne peut se limiter à attendre l'émergence, au
demeurant souhaitable, d'espaces de débats ou d'initiatives locales. Il
nous faut contribuer à une démarche ouverte et crédible de
construction d'une espace politique alternatif, qui ne se retrouvera ni
à la traîne de la gauche gouvernementale ni aux côtés de l'extrême
gauche trotskiste.
Mais cette définition " en creux " ne vaut pas profil
politique : ainsi, sur des questions aussi décisives sue celles de l'auto-organisation
et du débouché des mobilisations sociales, ou des rapports entre
formations politiques et mouvements sociaux, nous nous situons non pas
" entre " mais " à gauche " de la gauche plurielle
comme des tentations néo-bolcheviques.
L'ouverture d'un espace politique alternatif doit contribuer à amener
certains secteurs critiques du PC à sortir des hésitations entre
solidarités d'appareil et audace, elle ne se fera pas sans l'engagement
d'une partie au moins des acteurs associatifs et motivé(e)s qui se sont
exprimés aux municipales mais peinent à trouver une expression plus
large.
Le chemin est long, les Assises de la gauche alternative de la fin de
cette année doivent en être une étape.
Jean-Jacques BOISLAROUSSIE