Les Alternatifs

Commission agriculture et alimentation

Les leçons de la crise actuelle

Position des Alternatifs sur la politique laitière

La crise actuelle, caractérisée par une chute brutale des prix de collecte en 2009, après deux années de prix satisfaisants, met en grande difficulté une bonne partie des producteurs, notamment ceux endettés pour cause d’installation ou d’agrandissement accompagné de suréquipement. Elle résulte d’une surproduction entraînée par une hausse des droits à produire européens (quotas) dans un contexte de crise économique globale.


La suppression progressive des quotas laitiers en vigueur depuis 25 ans dans l’UE, confirmée à l’automne 2008 durant la Présidence française, a ainsi amplifié les effets de la crise mondiale du lait. Ces effets sont forcément ressentis dans l’UE avec des quotas fixés 10% au dessus de la consommation européenne, obligeant donc la filière à exporter. Ainsi, en France, le changement des règles interprofessionnelles d’établissement du prix a donné plus de poids aux produits échangeables hors UE (beurre, poudres et fromages) et a donc amplifié la baisse des prix. La forte réaction, y compris par la grève des livraisons, des producteurs à l’échelle européenne, oblige les pouvoirs publics nationaux et européens à proposer d’autres règles que le laissez-faire intégral. Cette réaction des éleveurs s’est faite malgré les divisions syndicales, le syndicalisme majoritaire en France, la section lait de la FNSEA, ayant choisi de se cantonner à négociation interprofessionnelle avec les transformateurs laitiers et à attaquer la grande distribution sur sa politique de prix.

Refus des propositions actuelles des gouvernements et de la Commission de l’UE.

Gouvernements, Commission européenne, entreprises de la transformation et de la distribution, doivent trouver une solution, notamment pour maintenir en capacité de production les producteurs moyens et gros endettés, donc très fragilisés par cette instabilité des prix et par l’absence de perspectives (personne ne voit sérieusement une sortie de crise économique à court-terme). Mais les propositions actuelles d’origine française et allemande, soumises à la Commission pour sa réunion du 5 octobre sont totalement d’inspiration libérale ; instauration de marchés à terme pour le beurre et pour la poudre et contractualisation entre les transformateurs et les producteurs. Ces mesures renforceront la dépendance des producteurs vis-à-vis de leur entreprise libre de son prix et du choix de ses producteurs, le tout dans un marché encore plus instable car davantage soumis à la volatilité sur les marchés extérieurs. L’adoption d’une telle politique, si elle convient aux systèmes de production nordiques (Danemark, ….), serait catastrophique pour la majorité des producteurs, y compris africains, pour les territoires et pour l’environnement. Une tout autre politique est possible et nécessaire. Il s’agit d’éviter ce qui s’est passé dans le secteur porcin : une restructuration drastique au gré des hauts et des bas du marché laissé à lui même, avec la constitution de méga fermes intégrées par les banques et les transformateurs

Les fondements d’une autre politique

Cette politique laitière alternative doit viser quatre objectifs

  • Des prix stables et rémunérateurs,
  • Une solidarité intra européenne et internationale,
  • L’accès à une alimentation de qualité pour tous,
  • Des systèmes de production respectueux de l’environnement et des territoires.

Atteindre ces quatre objectifs nécessite une politique laitière fondée sur un système de régulation du type quotas par pays et par producteur, répartis de façon juste, permettant une production adaptée aux besoins internes, avec des échanges internationaux limités aux produits spécifiques (par exemple des fromages haut de gamme, n’entraînant pas de dumping sur les productions locales hors UE) et à des situations exceptionnelles d’excédent ou de déficit temporaires qui seraient gérées de façon coopérative. Le système actuel de quota devrait rester non marchand et être sensiblement amélioré : le quota européen réduit à un niveau plus proche de la consommation européenne, mieux réparti entre les pays (notamment au profit des « nouveaux » membres à la paysannerie nombreuse comme la Pologne et la Roumanie), mieux réparti entre les producteurs (notamment en fonction du nombre de travailleurs par exploitation) et les zones, favoriser les installations et les systèmes autonomes ou d’agriculture durable. Parallèlement, il s’agit de permettre l’accès de tous les citoyens à des produits laitiers de qualité (sans pesticides ni antibiotiques …), issus de circuits plus courts et faisant le moins possible appel à des produits industriels d’emballage, de compléments …

Commet gagner dans une Europe de plus en plus libérale ?

Les résultats des élections en Allemagne, après ceux des élections européennes, peuvent rendre encore plus pessimiste, quoique ceux de De Linke et des Verts [cp1]donnent par contre un signe positif, au même titre que la radicalité des mobilisations des producteurs. Plus globalement les aspirations à une autre alimentation plus favorable à l’environnement et à la santé, notamment pour les couches populaires, doivent permettre de construire un front large de producteurs et de citoyens. Mais il est urgent d’intensifier le combat car il se joue là et maintenant une des batailles fondamentales pour le futur de la politique agricole et alimentaire avant la réforme prévue en 2013 et déjà sur les rails. Il s’agit aussi en rejetant les propositions actuelles d’imposer à l’UE une autre position dans les négociations internationales (comme à l’OMC) et d’autres pratiques commerciales avec les pays importateurs de nos excédents laitiers.

Cette unité à la base et entre organisations doit aussi concourir à l’adoption de mesures transitoires : prix plus satisfaisants, évolution dans la répartition entre pays du quota européen. Ces mesures pourraient favoriser une évolution des positions de certains gouvernements dans les négociations et ainsi plus de chance pour une politique alternative.

Contact : Michel BUISSON

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