Contribution au congrès des Alternatifs |
28 mars 2005
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CONSTRUIRE PAR LA CONFRONTATION DES PRATIQUES ET DES IDEES UN PROJET
ALTERNATIF.
Le présent texte, contribution au prochain congrés sur le théme: " comment
rassembler et développer..."prolonge et actualise une tribune parue fin juin
dans ROUGE ET VERT (n°208): "S'inscrire dans la perspective d'un mouvement
politico social".
Si je persiste dans la meme logique d' etre présent dans la sphére politique
telle qu'elle est et de participer aux actions et réflexions des mouvements
sociaux, je juge plus urgent d'approfondir les possibilités pour les
Alternatifs d' etre ou de devenir un mouvement médiateur des aspirations
émanant des mouvements sociaux.
Car un an aprés les élections régionales et européénnes nous devons avoir
la lucidité de reconnaitre que nos objectifs du congrés de Macon ne peuvent
aboutir. La volonté de constuire un rassemblement de la gauche de la gauche,
une recomposition politique se heurte aux replis de nos principaux
partenaires sur leur organisation. Ce repli n'est pas seulement
conjoncturel, le temps que les aspirations présidentielles se révélent, mais
constitue un réflexe de survie dans un moment de crise, de doute, ou
d'impasse. Je ne détaillerais pas, partenaires par partenaires, leurs
problémes ou leurs crises, nous faisons cela réguliérement et par ailleurs
c'est anecdotique. Cette situation n'exclue pas une candidature commune à
toute la gauche de la gauche. Mais celle ci ne porterait aucune dynamique
pour l'aprés élection.
Les Alternatifs n'échappent pas à ces difficultés. Beaucoup de sympathisants
nous renvoient notre faiblesse quant à un projet alternatif, l'absence de
pistes crédibles pour sortir de l'étau libéral et productiviste. En grande
partie nos discours batis dans les années 70 ont de moins en moins d'emprise
sur les réalités de notre société et sont en décalage avec les aspirations
de la "société civile".
J'ai déjà signalé combien le sort du mot "plein emploi"était à cet égard
emblématique.
Dans une partie des jeunes générations, celles qui n'ont pas connues l'avant
Mitterrand, l'engagement prend dés lors la forme de régles éthiques
personnelles , de recherches d'alternatives locales.
Notre derniére Université d'été a montré un début de prise en compte des
pratiques sociales, notre ouverture à certaines utopies concrétes, à
certaines thématiques, portées par des jeunes adhérents.
Cette ouverture, la capacité d'attraction de certaines fédérations, la
reconnaissance du travail de la Commission Agriculture par la Confédération
Paysanne et certaines organisations paysannes mondiales, sont autant
d'atouts pour développer les Alternatifs et ébaucher , avec les mouvements
sociaux, un projet alternatif en phase avec la société. Encore faut il ne
pas se contenter de la bienveillance et confronter nos pratiques et nos
idées. N' abandonnant pas a priori ses analyses et ses
pratiques les Alternatifs n'éluderont pas certaines critiques. En tant que
militants politiques nous insisterons sur les limites des comportements
personnels comme réponses aux dysfonctionnements de la société. Nous
mettront à jour comment certaines thématiques ne sont que des théorisations
du vécu personnel de leur auteur. Il y aura une bataille de convictions
fortes pour amener beaucoup de participants de ces pratiques alternatives ,
de tenants de thématiques nouvelles à prendre en compte les conditions
sociales, l' existence de divergences entres classes sociales. Plus
généralement nous ferons tout pour corriger une vision de la société divisée
entre les "hommes de bonne volonté" et les autres, égoistes ou victimes de
conditionnements aliénants. Dans un dialogue où les points communs a priori
existent peu il sera important de fixer quelles seraient les
différenciations rédhibitoires à nos yeux, sans imposer de préalables. Ce
sera, en partie, la tache du congres.
Afin d'éviter le coté "guide pratique en chambre" incarnons nos intentions à
travers un cas pratique. Des "casseurs de pub" aux tenants revendiqués de la
décroissance, une critique radicale du productivisme et de l'écologie
traditionnelle se développe. Certains adhérents la relaient mais beaucoup
d'adhérents et militants Alternatifs se montrent critiques ou opposés à ce
discours.
Un premier débat lors du Festiv'Alternatif a montré que ce sujet
intéressait: la salle était pleine, et que, toutes générations cofondues,
nous émettions un certain nombre de critiques, d'objections. Elles
portaient sur l'absence de références au travail ou aux problémes sociaux,
sur des relents nostalgiques chez certains, sur la théorisation latente par
des chomeurs ou précaires de leurs contraintes financiéres.
Enfin nous jugions, au mieux inappropriéé, la dénomination de
"décroissance" surtout parce qu'aucune explicitation du concept n'était
menée. La tentation existe, alors que peut etre avons nous l'opportunité
d'avoir des interlocuteurs sur le long terme, de considérer que nous perdons
notre temps, de nous braquer sur la dénomination, l'absence de
préoccupations sociales...etc. Or cette indéfinition, par exemple, peut nous
etre bénéfique: en élaborant et en poursuivant la confrontation nous pouvons
nous approprier ce théme, lui donner un contenu et devenir les
interlocuteurs incontournables. Je ne sais s'il s'agit d'une coincidence
mais la Commission Ecologie accroit son activité et cherche à s'élargir (
réunion du 30/04) , avec pour but de passer de la juxtaposition du rouge et
du vert à leur mariage. Bien que la confrontation avec les "décroissants "
ne soit pas l'unique porte d'entrée pour un approfondissement de nos idées
écologistes: réflexions et propositions précises sur le transport sont , par
exemple, nécéssaires, il n'y a pas lieu de bouder cette opportunité.
Sans faire table rase de nos analyses, il nous faut etre capable de mener
le dialogue avec des interlocuteurs loin de nos traditions. Rien ne garantit
que cette confrontation agrandira notre sphére d'influence alors meme que
les résultats observables dans un pemier temps nourriront des débats
passionnés. Mais dans une période de traversée du désert pour des issues
directement politiques, et ceci malgré une crise de régime proche d'éclater,
sachons faire preuve d'audace et, en gardant l'objectif de construire un
projet alternatif, de faire naitre une gauche alternative, empruntons
d'autres voies
Jean-Louis LeBouhris