Contribution au congrès des Alternatifs
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7 avril 2005
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Le fonctionnement des Alternatifs
Pourquoi poser le problème de notre fonctionnement ? Nous nous affirmons
comme mouvement autogestionnaire et nous essayons de concevoir une
généralisation de l'autogestion, une société « autogérée » ; cette
dimension ne peut pas ne pas être prise en compte dans notre façon de
fonctionner, à tous les niveaux :
1. Plus que nos discours, c'est notre manière d'être et de fonctionner qui
témoigne de ce que nous sommes et de ce que nous pouvons ; c'est le projet
politique qui est en question : travailler en idées et en discours sur
l'autogestion généralisée ou sur l'invention d'une véritable démocratie
n'a pas de sens, si, en même temps, nous démontrons par nos pratiques
l'impossibilité de le faire.
2. L'autogestion, comme possibilité concrète, n'est pas définissable à
priori : l'idée se précise en même temps qu'elle s'expérimente. Or, notre
mouvement est un terrain d'expérimentation privilégié. La forme et le fond
sont ici indissociables : croire que l'on peut séparer l'activité
politique « noble » et la « cuisine interne », voire s'accommoder de
contradictions entre les deux niveaux, serait une grave erreur. Nos modes
de réflexion, d'analyse, d'élaboration ; nos processus de partage des
responsabilités, de décision ; la place des femmes dans le mouvement,
lequel, au demeurant, se réclame du féminisme (place effective au niveau
de l'élaboration et des décisions, manière d'aborder les problèmes) ; nos
manières de communiquer, de travailler avec d'autres, ont une dimension et
une signification pleinement politiques. Les obstacles et difficultés que
nous rencontrons « chez nous » ne sont pas d'un autre ordre que ceux qu'il
nous faut affronter dans la société.
3. Avoir la volonté de « faire de la politique autrement », de mettre en
ouvre de nouveaux rapports entre le politique et le champ social, d'opérer
le dépassement du stade de la démocratie représentative, constitue une
véritable révolution culturelle, qui est à commencer en nous (en tant
qu'individus et en tant que mouvement), faute de quoi l'on ne peut que
reproduire ce que nous voulons dépasser.
Comment avancer vers un fonctionnement relevant de la perspective
autogestionnaire, que nous contribuerions ainsi à préciser ?
1. Au niveau de nos comportements : se rendre capable d'écouter l'autre et
de s'en instruire ; de ne pas abuser du pouvoir que les circonstances nous
donnent parfois (lié à la possession d'informations, à la facilité de
parole, à l'habitude etc.) ; préférer les avancées concrètes à la facilité
réductrice et confuse de l'idéologie (fondée sur la croyance dogmatique à
laquelle, souvent, nous sommes loin d'échapper) ; il ne s'agit pas là de
voux pieux et généraux, mais des conditions minimales de possibilité de
pratiques autogestionnaires ; travail à long terme et nécessaire à notre
lisibilité.
2. Au niveau de nos pratiques : en tant que nous nous voulons innovants
dans le champ politique, l'élaboration (d'analyses, de propositions
alternatives) doit avoir une place essentielle ; en tant que nous voulons
nous situer dans une démarche autogestionnaire, la formation joue un rôle
déterminant ; en outre, ces deux dimensions de notre activité doivent être
liées, si l'on veut éviter l'habituelle coupure entre les responsables-
spécialistes et les militants que l'on dit « de base » ; il nous faut donc
mettre en place les structures (locales, régionales, nationales,
internationales) permettant, dans la même démarche, une réelle formation
et une élaboration consistante. C'est en coopérant effectivement à
l'élaboration commune que chacun(e) avancera dans sa formation ; c'est
parce que l'élaboration cessera d'être le fait de quelques-uns qu'elle a
des chances d'être plus innovante et ouverte sur la société réelle. De
même, avons-nous sans doute beaucoup à gagner en ne séparant pas le
travail d'élaboration interne et celui de sensibilisation des citoyens
(qui ne doit pas ses réduire, dans notre perspective, à ce qu'on nomme «
propagande »).
3. Au niveau de l'organisation : la mise en place d'un partage clair des
responsabilités et des modalités de rotation des responsables apparaît
comme le minimum attendu d'un mouvement se réclamant de l'autogestion, à
tous les niveaux de ce mouvement. L'efficacité et la commodité ne doivent
pas primer sur l'exigence démocratique.
4. Par ailleurs, ce qui nous unit doit explicitement apparaître comme
résultant des différents lieux d'élaboration et d'actions, non comme un
donné a priori et implicite.
J.Michel Mansillon, Marcelle Monzéglio, Patrick Fodella.