Une stratégie pour une alternative populaire,
solidaire, féministe, écologiste
(texte, voté en 2000 par le congrès des Alternatifs)
Un changement nécessaire.
Le capital, c'est maintenant un empire unique, global. La mondialisation
du capital et du profit, c'est la richesse et le pouvoir pour quelques
uns, c'est la médiocrité, voire la misère, pour le plus grand nombre. Les
peuples dominés sont les plus maltraités, mais ceux des métropoles
capitalistes, sous d'autres formes, le sont aussi.
Là bas, l'exode rural se poursuit, les pauvres croupissent hors de la
cité. Ici le chômage et la précarité frappent ou menacent la majorité des
travailleurs, les hommes certes, mais plus encore les femmes. Beaucoup
craignent les concentrations, les délocalisations ; tous le krach
monétaire que promettent les spéculations financières. Comme travailleurs,
comme citoyens, plus ou moins ils se savent manipulés par des puissances
lointaines. Les transformations du travail nourrissent ces contestations,
exprimées ou muettes. Les connaissances, les capacités de dialogue et
d'initiative nécessaires à un travail intellectualisé contribuent à une
autonomie, à une exigence qualitative plus grande des individus. Les
compensations offertes par la consommation ne peuvent qu'imparfaitement
répondre à ces attentes. Les couches marginalisées, les peuples des
périphéries, de façon indirecte, perçoivent ces évolutions du travail et
des représentations. Cette conscience émergente vient souligner les
misères de la prolétarisation.
La financiarisation et la globalisation permettent aux puissances
économiques d'échapper si nécessaire aux contraintes politiques comme aux
pressions sociales, tant qu'elles se limitent à l'espace national.
Quelques centaines de groupes mondiaux, contrôlant la production, les
échanges et les flux de marchandises et de monnaies, peuvent accroître
constamment le taux et la masse de leurs profits. Sous la pression du
chômage, les salariés manuels et intellectuels des métropoles capitalistes
se voient sommés d'accepter la stagnation, voire le recul de leur niveau
de vie. Dans les pays nouvellement investis, la masse des sans-travail
autorise un très bas niveau de rémunération des salariés et un très bon
niveau de bénéfices. Mais la concentration de richesses et de pouvoirs
entre les mains d'un faible pourcentage d'héritiers et de managers, aux
dépens du plus grand nombre, est de plus en plus évidente et suscite des
critiques et des oppositions croissantes. D'autant que la poursuite,
apparemment sans fin, d'une meilleure " profitabilité " des
investissements est sans cesse plus dangereuse pour les équilibres
économiques. La proportion croissante des bénéfices dans le produit social
induit une tendance permanente à la surproduction et à la
sous-consommation. Les capitaux excédentaires, cherchant un emploi dans la
spéculation financière, provoquent un
emballement des cotations boursières et le risque, sans cesse plus grand,
d'un éclatement de la " bulle financière ". En quelques jours, les
déséquilibres jusqu'alors cachés peuvent conduire à une crise économique
et sociale majeure, mettant à nu le mythe du rôle attribué aux
institutions financières et étatiques, continentales ou mondiales, de "
payeur en dernier ressort ". Cette possibilité, reconnues à mi-voix par
les autorités financières lors de la récente crise en Extrême-Orient, est
une menace latente. Les pouvoirs politiques apparaissent désarmés devant
elle, incapables même de concevoir et d'imposer les instruments de
régulation et de contrôle que réclameraient les intérêts historiques du
capitalisme. La contestation de cette inertie par des mouvements
politico-associatifs comme ATTAC signale la déligitimation en cours de la
domination de l'économie ; elle témoigne aussi de la carence des
orientations et des structures politiques, de la droite mais aussi de la
gauche établie. Mais seule une mobilisation sociale internationale peut
créer un rapport de forces faisant reculer le néo-libéralisme calé sur les
intérêts immédiats -
micro-économiques - de l'entreprise au détriment du plus grand nombre,
c'est-à-dire aussi des intérêts généraux.
Les ressources naturelles sont mises en coupe réglée par les firmes
mondiales. Les cycles du carbone, de l'eau, de l'air sont perturbés. Des
organismes vivants sont inconsidérément modifiés. Le capital s'évertue à
transformer en marchandises le cadre et le mode de vie. La survie de
l'espèce humaine est en question. Mais en contrepoint des saccages
écologiques, et au delà des mesures ponctuelles qui affectent d'y
répondre, transparaissent les solidarités planétaires de la société
humaine et se généralisent les représentations comme systèmes de la
biosphère et de l'humanité.
Le libéralisme mondialisé repose sur l'affirmation implicite que les
ressources sont infinies. C'est évidemment une absurdité contre laquelle
se développent de nombreuses mobilisations. L'émergence au cours des
années 60 de la crise écologique, la prise de conscience de l'ampleur de
cette crise à l'échelle de la planète au cours des années 80, font de la
question du développement soutenable un élément majeur de la constitution
d'un bloc social large. Les organisations du mouvement ouvrier, dont
beaucoup restent profondément marquées par une culture productiviste,
éprouvent de grandes difficultés à penser la nécessaire convergence du
social et de l'écologie, cette convergence est au contraire au coeur du
projet des Alternatifs. Les mobilisations pour une agriculture paysanne et
pour « l'autonomie
alimentaire », contre la dilapidation des ressources naturelles, pour la
maîtrise de la croissance des mégapoles, contre l'effet de serre ouvrent
de nouveaux fronts de lutte, permettent de nouvelles alliances sociales,
dessinent un autre futur. La critique écologique ne saurait être confondue
avec les dérives que l'on a connues au cours des dernières décennies :
deep ecology, culte de la nature, mouvements d'extrême droite préconisant
une organisation de la société calquée sur la loi du plus fort. Critique
de la vie quotidienne, d'abord dans les pays développés où elle est une
des voies majeures des prises de conscience, notre approche écologiste
remet radicalement en cause la logique du profit et du productivisme. La
société libérale encourage les égoïsmes, les corporatismes, les luttes
implacables pour la réussite de quelques uns. Depuis longtemps les valeurs
non marchandes ont été oubliées. L'homme a été réduit à l'état de
producteur-consommateur. Nous proposons de lui rendre sa véritable
dimension. L'homme considéré dans sa globalité - l'homme multidimensionnel
- doit avoir les moyens de s'épanouir, dans une société conviviale, en
retrouvant le plaisir d'activités créatrices choisies librement et non
subies.
Les transformations du travail, de la vie quotidienne, la globalisation
ont conduit à des contestations essentielles des idéologies et des
structures de l'actuelle société. Le mouvement féministe notamment, en
s'attaquant aux contraintes et dominations pesant sur les femmes, a
favorisé une mise en question de l'ensemble des hiérarchies et des
structures de la société. Mais, de la même façon que l'exploitation de
l'homme par l'homme n'a pas disparu, l'égalité entre hommes et femmes est
loin d'être réalisée. Une stratégie qui ne prendrait pas en compte la
nécessité pour les femmes du monde entier de mener bataille pour faire
reconnaître leur droit à une pleine autonomie et une pleine égalité ne
répondrait pas aux besoins de la moitié du peuple-monde. Ceci a pour
conséquence de reconnaître qu'une partie des problèmes à résoudre résulte
d'un croisement entre les problèmes d'exploitation et de domination d'un
sexe sur l'autre. Ainsi la
multiplication des contestations, leur entrelacement déterminent une
nouvelle perception des solidarités humaines et planétaires, de nouvelles
manifestations et actions humanitaires. Aussi l'incapacité ou le refus des
institutions politiques nationales, européennes ou mondiales à aller au
delà des effets d'annonce sur les problèmes sociaux, sociétaux,
écologiques contribuent fortement à délégitimer les instances de pouvoir
politique.
On pouvait penser que la fin des blocs écarterait la terrible menace de la
guerre nucléaire. Or cette possibilité subsiste en Asie et au
Moyen-Orient. Des conflits armés d'un nouveau genre éclatent sur tous les
continents, frappant et déchirant les peuples avec une rage aveugle. Ils
surviennent notamment dans les pays en marge du grand marché planétaire,
dans lesquels décolonisation ou débureaucratisation ne pouvaient suffire à
créer des nations et à légitimer des Etats. Les grandes puissances
mondiales, ignorant leurs responsabilités majeures dans cette crise
structurelle, interviennent violemment lorsque leurs intérêts sont en jeu.
L'embargo et le blocus sont mis en oeuvre à l'encontre des gouvernements
qui y portent atteinte. Des interventions armées, aveugles le plus
souvent, sont entreprises au nom d'un droit international flou et
équivoque. Et même lorsque les justifications humanitaires sont fondées,
elles sont utilisées pour des opérations de police au service du nouvel
empire mondial. L'ordre règne, les causes subsistent. L'humanité n'a pas
trouvé les nouvelles formes politiques développant à la fois l'autonomie
et la solidarité des peuples.
La crise du politique, plus apparente dans les Etats périphériques, n'est
pourtant ni marginale, ni conjoncturelle, mais centrale et organique. Les
conquêtes démocratiques, fortement érodées, sont souvent réduites au
spectacle, au faux semblant. Les structures et les idéologies de la
démocratie de représentation, qui étaient un élément essentiel de la
stabilité et de la reproduction de la société capitaliste, sont dans un
état critique. Dans le dernier quart de siècle, l'édifice institutionnel
s'est désagrégé sous la pression de la mondialisation. La production et
les échanges, de marchandises, de capitaux, d'informations, sont désormais
développés à l'échelle mondiale, échappant ainsi largement aux régulations
étatiques. Les états-majors de quelques centaines de groupes financiers
mondiaux, par leurs politiques et par des exigences de plus en plus
explicites, déterminent les orientations majeures. Les institutions inter
étatiques, progressivement mises en place au cours du 19ème et du 20ème
siècles, définissent les règles et les procédures qui en résultent pour
les formes multiples de flux et d'échanges internationaux, dispositions
qui s'imposent en fait ou en droit aux Etats et aux marchés nationaux. La
Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, l'Organisation Mondiale
du Commerce sont les principaux acteurs de cette régulation. Les Etats
dominants, au travers du G7, du Conseil de sécurité, de l'OTAN, sous la
prédominance des USA, assurent l'ordre mondial nécessaire à la libre
circulation des capitaux et des profits. Un empire mondial se met en
place. Ces raisons, ces décisions, ces lieux de pouvoir échappent à tout
contrôle démocratique. Dans le même mouvement, dans le même temps, les
Etats sont confrontés à la diversification, à la complexité des activités
et des rapports sociaux, au développement des compétences des individus.
Les transformations du travail, l'intellectualisation qu'il connaît, sont
conditionnées par la généralisation de la formation et de l'information
qui, même partielles et partiales, élargissent et enrichissent les
attentes de larges secteurs de la société civile. L'Etat, organiquement
lié à
l'homogénéisation et à la centralisation, ne peut répondre au rythme
nécessaire à cette complexité. Sous cette double distorsion, l'Etat perd
progressivement son efficacité, son autorité et sa légitimité. Les
institutions politiques sont maintenant menacées par toute crise majeure,
qu'elle soit à l'origine financière ou économique, écologique ou
politique.
Il est et il sera de plus en plus difficile de gouverner comme auparavant
; l'exploitation, les dominations, les aliénations sont de plus en plus
perçues. Un changement radical paraît nécessaire, indispensable même,
pourtant sa réalisation semble incertaine et au mieux lointaine. Pourquoi
en est-il ainsi ? Comment les conditions du changement peuvent se trouver
réunies ?
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Une révolution à inventer :
Pour la social-démocratie, au gouvernement aujourd'hui dans la plupart des
pays de l'occident européen, " le capitalisme est l'horizon indépassable
". Les écologistes qui lui sont associés ne se démarquent pas de cette
position. La pérennité sans fin attribuée à ce système rendrait
inopérante, et même dangereuse car totalitaire dans ses conséquences,
toute mise en cause frontale. La conciliation du capital et du travail, du
productivisme et de l'écologisme, serait la condition nécessaire d'un
réformisme moderne. Tony Blair plaide pour une " troisième voie ", Laurent
Fabius est favorable au " gagnant - gagnant ". Les nuances sont minces.
Malheureusement pour les conciliateurs et pour le plus grand nombre a
fortiori, le capital n'a nul besoin de compromis. La dispersion sur
l'ensemble des continents des usines, des laboratoires, des réseaux de
distribution met les mastodontes
industriels et financiers à l'abri des pressions gouvernementales. Certes
leur image dans l'opinion leur importe. Les gouvernements acquis au
capital modèrent donc sérieusement leurs exigences sociales et
environnementales, fiscales et juridiques. Jouant sur le discours voire
sur le débat, consentant le cas échéant des concessions mineures aux
contestations, les firmes mondiales divisent et canalisent celles-ci. Il
n'y a plus ou presque de marge de manoeuvre réformiste. On ne peut
répondre aux aspirations du plus grand nombre en " changeant la société "
mais en " changeant de société ".
Sauf à s'incliner, il faut donc considérer la racine des choses, mettre en
question l'exploitation des gens, des ressources, du patrimoine humain, la
marchandisation généralisée, la domination sur les peuples, les femmes et
les groupes réputés mineurs. Au delà des formes et des rythmes, cela
s'appelle une révolution. La proposition est difficile, rude même. Les
générations précédentes sont encore sous le coup des impasses, des
erreurs, voire des crimes où se sont fourvoyées les deux vagues
révolutionnaires du siècle achevé. Il faut d'évidence s'interroger,
redéfinir, repositionner les objectifs et les moyens. Cela demandera du
temps, des formes et des forces nouvelles, mais le changement nécessaire
de société suppose d'abord une perspective, une posture révolutionnaires.
Il ne suffit certes pas de réclamer l'appropriation collective des
principales richesses, le
dépassement des aliénations marchandes et des illusions productivistes.
Dans l'opposition aux rapports sociaux et aux représentations qui les
justifient, il faut concevoir et expérimenter de nouvelles relations et
institutions sociales et politiques, articulant sans doute la délégation,
l'initiative collective, l'autonomie individuelle. C'est dans ce mouvement
de
contestation et de construction, c'est dans ce processus qu'une majorité
sociale large et stable peut se reconnaître et se structurer.
La révolution sera longue. Il faut que les forces progressistes tirent les
leçons du passé et s'inscrivent dans le présent. Les moments, les ruptures
du processus révolutionnaire doivent être repensés, pour éviter autant
qu'il sera possible de détruire les acquits de civilisation, pour ne pas
s'engager dans une régression sociale et politique. Le processus
révolutionnaire s'accomplit au travers d'expériences multiples, positives
ou négatives, d'acquits durables ou provisoires. Chaque vague nouvelle se
nourrit de ce passé. Il faut faire émerger les objectifs communs,
rassembler les forces sociales du changement, articuler les organisations,
les mouvements, les individus. Il faut qu'autour d'un projet de société,
d'une utopie réaliste, constamment retravaillée, la société civile prenant
conscience d'elle-même se constitue comme " peuple - monde ". Les combats
dans le champ de la culture et de l'idéologie doivent permettre au plus
grand nombre de s'approprier pleinement les enjeux et les formes des
luttes engagées. La créativité et l'autonomie individuelle et collective
sont des atouts nécessaires. La « socialisation » du savoir et de la
culture est à la fois un objectif et un moyen de l'alternative. Pour cela
il n'est pas besoin, il est même vraisemblablement contre-productif, qu'un
acteur plus ou moins extérieur, intellectuel ou parti, prétende inspirer
un programme achevé. Le peuple - monde ne peut s'approprier le projet et
le contenu approché d'une société nouvelle que si s'organise une
élaboration collective où se confrontent les syndicats, les associations,
les partis. C'est dans une dialectique multiple entre les parties et le
tout, le quotidien et l'avenir, l'expérience concrète et la représentation
théorique que peut émerger un projet effectivement révolutionnaire. Il
faut un tel projet car les valeurs universelles, fondatrices, exprimant
les besoins du plus grand nombre doivent être rendues concrètes,
pratiques. Il faut se garder de l'illusion ancienne selon laquelle il
suffirait de détruire les lois et les
institutions pour découvrir sous l'ancienne carapace une société nouvelle.
Il n'y a pas qu'une réponse possible à la crise de civilisation. D'autant
plus que le scepticisme engendré par les dramatiques échecs de la
révolution réclame pour être dépassé des propositions précises,
vérifiables dans l'expérience. Enfin l'individuation nourrie par le
marché, le travail, la formation renforce les exigences de contrôle, de
participation. C'est dans cette maturation que les intentions de
transformation sociale radicale, encore minoritaires, peuvent gagner le
plus grand nombre.
Le peuple - monde en entreprenant de se substituer aux puissances
établies, en mettant en cause les institutions qui les structurent et les
protègent doit craindre des réactions violentes des pouvoirs nationaux ou
planétaires. Plus exactement, les violences moléculaires, insidieuses ou
immanentes, peuvent devenir massives et explicites. Le retour à des formes
anciennes de répression marquerait l'abandon des politiques de consensus
des Etats modernes. Or la police et l'armée ne sont plus outillées et
préparées à la confrontation avec des formes massives et directes
d'opposition, d'autant qu'elles ne sont pas épargnées par les virus
démocratiques. Le recours à des forces spécialisées dans le maintien de
l'ordre - nationales, continentales ou mondiales - l'utilisation de bandes
néo-fascistes sont toujours possibles, mais leur succès très aléatoire
provoquerait une cristallisation forte et durable des nouvelles
polarisations sociales qui s'esquissent. La violence armée n'est pas
l'accoucheuse inévitable de la nouvelle société ; les gouvernements y
regarderont à deux fois avant d'engager des répressions massives. Les
forces émancipatrices devraient privilégier les manifestations et les
résistances pacifiques, mais nul ne peut prévoir, ici et ailleurs,
l'acuité des affrontements. D'autant que les circonstances et le foyer
d'un nouvel ébranlement de l'ancienne société ne sont nullement évidentes.
Mais les crises, financière, économique, écologique et politique qui
constamment menacent, rendent inéluctables ou presque, par leurs menaces
ou leurs effets, des explosions sociales et politiques. Les Alternatifs et
les forces progressistes doivent tout faire pour qu'elles débouchent sur
une nouvelle société, solidaire, féministe, écologiste, démocratique.
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Une société en mouvements.
Dans cette société mondialisée, constamment changée, la contestation et la
révolte trouvent des raisons constamment renouvelées. L'exploitation, les
aliénations, les dominations suscitent le refus et la colère. Les
transformations du travail, la généralisation de la formation et de
l'information, dans leurs développements contradictoires, font entrevoir
d'autres rapports sociaux, d'autres institutions politiques. Mais pour
rendre possibles les changements concevables, les ruptures souhaitables,
il manque un acteur social s'attaquant aux causes essentielles et aux
classes dominantes et dirigeantes. Car le prolétariat est désorienté et
dispersé, structuré dans des champs sociaux ne recouvrant pas l'ensemble
des conflits sociaux générés par le capitalisme global. Il ne peut plus
prétendre comme antérieurement porter les intérêts universels de
l'humanité. Les nouveaux mouvements de contestation ont, à partir de
larges mobilisations, permis des améliorations réelles des conditions
sociales et politiques. Mais
sectorielles, partielles, leurs critiques et leurs propositions aussi
justifiées, aussi radicales qu'elles soient n'ont pas débouché sur des
mobilisations réunissant l'ensemble des contestations et donc sur des
ruptures décisives. Pour comprendre et dépasser l'éclatement, voire la
confusion de cette contestation multiple, il faut des convergences
pratiques et théoriques. Il faut participer et contribuer aux initiatives
et aux réflexions croisées sur les causes et les voies des mutations et
des crises qui affectent aujourd'hui la société humaine.
Dans la dernière partie du siècle, la société a traversé une longue phase
dépressive, provoquée par l'épuisement des marchés, des institutions, des
représentations. Les luttes sociétales et sociales des années 60, la
dépression économique du début des années 70 qui ouvrirent cette période
témoignaient des dysfonctionnements de l'ensemble des rapports sociaux,
mais aussi de l'émergence de conflits sociaux inattendus exprimant de
nouvelles contradictions. A cette crise organique, les pouvoirs
capitalistes apportèrent une double réponse. Ils trouvèrent une réponse
économique au travers d'une marchandisation généralisée, d'une
concentration et d'une mondialisation financières, de l'informatisation
des processus de
fabrication et des procédures d'administration. Ils trouvèrent une réponse
politique en imposant la prévalence du profit sur les conquêtes
populaires, sociales et politiques. En les contournant, ils remirent en
cause à la fois le « compromis keynésien » et la décolonisation. Cette
reprise en main fut grandement facilitée par la crise du mouvement
communiste et l'implosion du bloc soviétique. Les espoirs - certes
injustifiés - d'un grand nombre firent place au désarroi. Les
gouvernements du tiers monde perdirent toute marge de négociation et
d'autonomie.
Les transformations profondes des rapports sociaux qui se construisent et
se développent dans le marché, le travail et les institutions affectent
les classes traditionnelles de la société capitaliste pour les redéfinir
et les recomposer d'autre manière, à un autre niveau. La mondialisation
est une mutation globale qui concerne non seulement la production et la
valorisation des marchandises - biens et services - mais aussi
l'agencement et la division des classes. Il en va ainsi en premier lieu
pour les classes possédantes. La concentration capitaliste aboutit à la
mise en place, secteur après secteur, à quelques oligopoles qui,
directement ou
indirectement, au travers d'un réseau étroitement contrôlé de
sous-traitants exploitent des centaines de milliers de salariés sur
l'ensemble des continents. L'effervescence des nouvelles industries comme
l'informatique ou les biotechnologies est elle-même très contrôlée. Dès
qu'elles ont fait leurs preuves et sauf quelques rares exceptions, ces
entreprises entrent dans le giron des grands groupes financiers. Car ce
qui fait la puissance du capital planétaire, ce n'est pas la maîtrise -
pourtant réelle - des techniques de fabrication, de commercialisation, de
gestion, mais bien sa surface et son efficacité financières. A ce niveau
de concentration, les fortunes individuelles en règle générale ne
suffisent pas et pas davantage les investisseurs traditionnels. Une
nouvelle forme de capital est alors apparu ; sans doute une nouvelle étape
de ce que Marx désignait comme « socialisation du capital ». Ce sont les
fonds communs de placement, les fonds de retraite qui rassemblent les
économies des salariés des pays « occidentaux » et pas seulement des plus
favorisés. De façon indirecte, presque anodine, ils participent ainsi à
l'exploitation de l'ensemble des salariés et, dans une contradiction qui
ne demande qu'à apparaître, à leur propre exploitation, à leur propre
précarisation. La mise en oeuvre, la manipulation de ce capital incombent
à des managers qui grâce à des salaires exorbitants et aux stocks-options,
constituent avec quelques héritiers une hyper-bourgeoisie mondiale. Ils
partagent les mêmes cursus de formation, les mêmes cercles de rencontre et
de débat, les mêmes codes et les mêmes langages. Ils tendent à fusionner
avec les politiciens et la haute administration, en allant des affaires à
l'Etat dans le modèle anglo-saxon, ou de l'Etat aux affaires dans le
modèle français. Ils professent une même idéologie néo-libérale qui
prétend que la somme et la combinaison des intérêts des entreprises
mondialisées aboutiraient finalement à la meilleure réponse possible à
l'intérêt général ! Au travers des nébuleuses de la sous-traitance, cette
classe dominante s'assure de la connivence et de l'appui de larges
secteurs des bourgeoisies traditionnelles. Il reste qu'elle suscite aussi
l'envie de capitalistes, petits et moyens, dont les marchés réduits et les
techniques obsolètes font qu'ils ne peuvent parvenir à de semblables
rentabilités, à de semblables pouvoirs. Ces couches constamment menacées
secrètent ou soutiennent les extrêmes droites, fondamentalistes ou
néo-fascistes qui prétendent par une autorité accrue voire une répression
populaire maintenir les anciennes hiérarchies.
Dans son entreprise de mondialisation et de marchandisation généralisée,
le capital mise sur la dispersion et la différence entre les peuples,
entre les continents. En particulier, les faibles coûts de main d'oeuvre
que la misère autorise dans les pays du sud et de l'est paraissent lui
ouvrir un nouvel âge d'or. D'autant que dans nombre d'entre eux existe
déjà des couches préparées aux techniques les plus avancées. Il peut ainsi
espérer bénéficier d'une clientèle au double sens du terme, économique et
politique. Mais la coexistence entre les formes les plus modernes et les
plus archaïques de l'exploitation, c'est aussi la contradiction la plus
visible entre le réel et le possible. Ces contradictions peuvent donc au
contraire devenir explosives dans ces pays où le capital moderne est pour
l'essentiel étranger, d'autant que la démocratie et donc la légitimité des
Etats y sont fragiles. C'est peut-être au Brésil, en Corée, au Mexique que
prendront corps les nouvelles perspectives d'émancipation. Mais les
dynamiques essentielles sont plus que jamais universelles et notamment
cette
contradiction double que font naître les mutations du travail. On assiste
d'une part à une polarisation sociale sans précédent. La grande majorité
des adultes sont ou deviennent des salariés, même si on fait abstraction
des pseudo-salariés des états majors industriels, financiers ou
administratifs. Les cadres techniques, les intellectuels salariés qui
avaient cru pouvoir échapper aux contraintes du commun s'y trouvent
reconduits, personnellement ou par leurs proches, par l'informatisation
des contrôles, par la
flexibilité et la précarité du travail. Or les couches intermédiaires
traditionnelles, de la petite et moyenne bourgeoisie, citadine ou rurale,
sont minorisées tant dans leur nombre que dans leurs fonctions. Ces
couches très largement acquises au système capitaliste, souvent
conservatrices, présentes dans l'ensemble du tissu social, constituaient
une base, un relais pour les couches dirigeantes. Les conséquences de leur
amenuisement se feront sentir dans toute crise, quelle qu'en soit
l'origine.
En contrepoint le salariat s'étend et les transformations du procès de
travail rendent concevable une autre civilisation. La numérisation des
savoirs et même des savoir-faire qu'autorise l'informatique accroît la
distance introduite par la mécanisation entre la main et la matière. Le
travail intellectuel prend une place croissante dans l'ensemble dans
l'ensemble du processus de production. La maîtrise et la cohérence des
diverses étapes, de la conception à la commercialisation, réclament une
coopération, entre des métiers, des compétences, des territoires et donc
un dialogue, le partage d'un code et dans une certaine mesure d'une
culture. Les réseaux nécessaires à la production sont tributaires de la
qualité de chaque opération, de chaque opérateur. Outre leurs
connaissances, ceux-ci doivent avoir une capacité d'écoute, d'expression
et d'autonomie et une suffisante implication dans l'entreprise et dans la
société. Ces exigences techniques largement affichées s'avèrent certes
contradictoires avec la maximisation des profits, mettant à mal les
justifications idéologiques diffusées par le patronat. Les failles qui
s'ouvrent ainsi dans les représentations communes font, pour l'avenir,
augurer des ruptures. D'autant que les qualifications maintenant
nécessaires résultent certes de la formation et de l'information, mais au
moins autant du fonctionnement et du mode de régulation de la société.
C'est dans une expérience multiple, diversifiée, dans la convivialité, les
loisirs, dans l'activité associative, syndicale, politique que se
développent les capacités de dialogue et d'initiative. Une part croissante
de l'activité salariée est consacrée à la gestion et à la reproduction de
la société. Les salaires différés prennent une part accrue à tous les
âges. En même temps que l'exploitation salariale s'étend, elle devient
indirecte, invisible par un grand nombre. Structuré par le métier, le
territoire, les organisations et les représentations collectives, «
l'espace ouvrier » traditionnel - employés compris - se désagrège. Mais de
nouvelles solidarités sociales s'esquissent, se construisent, dans
lesquelles les ouvriers et les employés - même s'ils ne peuvent plus
prétendre à l'hégémonie sur l'ensemble des couches populaires - ont une
place décisive. Outre leur nombre, leur relative homogénéité de conditions
et de représentations, ils apportent au travers de leur expérience et de
leur mémoire collectifs, en mettant en cause l'exploitation et la
domination capitalistes, une contribution fondamentale au mouvement
d'émancipation. Aussi la marginalisation qui frappe ou menace nombre de
travailleurs appelle une attention et une solidarité effectives. Sans les
couches populaires, les chômeurs et les exclus, il n'y a pas de prise en
compte réelle du capitalisme, il n'y a pas de bloc social large. La
grande affaire du mouvement d'émancipation en ce début de 21ème siècle,
c'est la constitution d'un bloc social large ; c'est une alliance
organique, suffisamment stable, des mouvements de contestation capable de
faire changer la société sans risque de régression. Or cela, qui pouvait
sembler un voeu pieu il y a quelques mois encore, est après Seattle en
train de s'esquisser, à l'échelle internationale sous les yeux de
milliards d'hommes et de femmes. Des syndicalistes et des humanistes, des
féministes et des prêtres, des écologistes et des paysans ont ensemble
manifesté contre la libéralisation économique, contre une domination sans
limite des intérêts capitalistes. Leurs motivations, leurs objectifs
étaient sans doute différents, mais ils se sont concertés ; ils ont établi
des échanges, des réseaux qui persistent. Les mêmes avant hier déjà
étaient à Rio pour la défense de l'environnement planétaire, à Pékin avec
les femmes, à Davos contre les grands capitalistes. Ensemble, ils
désignent un adversaire commun : le régime du libéralisme économique.
Ainsi commence la délégitimation des pouvoirs économiques et politiques.
Une opposition explicite apparaît entre « eux » et « nous ». Elle appelle
à une définition, à une représentation de ce « nous ». Bien sûr c'est
aujourd'hui contre les conséquences du système et non contre celui-ci que
se manifestent ces oppositions. Mais il n'y a pas d'orientation
alternative possible à court terme pour le capital mondial. Un
keynésianisme mondial réclamerait un gouvernement, une assemblée, des
partis. Les dynamiques de la mondialisation financière et économique vont
continuer leur oeuvre, quelles que soient les concessions mineures
provisoirement consenties. La mise en évidence et en accusation du système
capitaliste, de ceux qui le servent et s'en servent, va donner un
éclairage nouveau aux conflits qui se développent dans les divers espaces
sociaux. Cette expérience individuelle et collective où le plus grand
nombre participe simultanément et successivement aux luttes spécifiques ne
conduit pas à la délimitation de nouvelles classes intermédiaires mais
tend dans une nouvelle forme de l'opposition fondamentale
bourgeoisie-prolétariat à polariser les forces sociales entre
l'hyper-bourgeoisie mondiale et le peuple-monde. Dans la conjoncture
actuelle où les contestations sociales et politiques, émergeant d'une
longue phase de replis et de reculs, s'efforcent de se repositionner aux
niveaux européen et mondial, l'affirmation autogestionnaire est
prioritaire, tant pour l'autodétermination des mouvements sociaux que pour
l'instauration de nouvelles pratiques
politiques, même sectorielles..
Ceux et celles qui sont convaincus de la nécessité d'une nouvelle société
peuvent-ils se contenter de commenter les évènements ? La conjonction des
contestations pourrait-elle suffire, ou y a-t-il des singularités du
politique qui rendent nécessaires un projet, des structures ?
haut
Formes et forces politiques :
Beaucoup dénoncent la crise du politique. L'efficacité et même le rôle des
parlements et des partis sont en question. Certains s'en réjouissent, y
voyant la preuve que la droite et la gauche se retrouvent pour l'essentiel
; le capitalisme et la régulation marchande seraient acceptées par les
principales forces publiques, qui ne se distingueraient plus que par des
valeurs subsidiaires. Les passions politiques n'auraient plus de
justification, l'alternance aboutissant à l'harmonie.
D'autres, soulignant le poids politique des mouvements sociaux, réduisent
les partis à leurs fonctions électorales et tribunitiennes. Il y a bien
sûr encore à l'extrême gauche quelques courants politiques qui proposent
de s'inspirer de la révolution russe d'octobre 17 ou des mouvements
anarchistes espagnols des années 30, sans s'inquiéter outre mesure des «
fiasco » dramatiques qui suivirent, ni des luttes et des mutations
économiques, sociales et politiques du siècle écoulé.
Cette crise a pourtant des causes et des effets qui rendent caduques les
anciennes recettes. Le suffrage universel, la démocratie parlementaire
sont des objectifs majeurs qui ont présidé à la constitution des forces et
des partis de gauche au 19ème siècle. Cette gauche, divisée depuis
longtemps par des conceptions différentes des objectifs et des modalités
du changement, fut pourtant dans son ensemble conditionnée - on dirait
aujourd'hui formatée - par les idéologies et les structures de la
République « bourgeoise ». La crise des partis de gauche - au delà des
déboires et des impasses propres aux sociaux-démocrates et aux communistes
des diverses écoles - c'est la crise de la démocratie parlementaire, c'est
la crise de l'Etat. Faute de concevoir et de préparer le dépassement de
formes démocratiques déjà insuffisantes mais maintenant obsolètes, ils
persistent dans des postures et des pratiques inopérantes qui du même coup
leur interdisent de faire le bilan d'une histoire commune ou spécifique.
La démocratie parlementaire fondée sur la délégation au travers du
suffrage universel qui un siècle durant a favorisé la stabilité politique
des pays occidentaux a épuisé ses vertus. La polarisation et la complexité
sociales, la globalisation et la prééminence financières dévalorisent des
initiatives qui ne parviennent que de plus en plus difficilement à assurer
la gestion et la reproduction de la société.
Au 19ème siècle les luttes populaires vont permettre de passer dans la
plupart des pays occidentaux d'un régime censitaire à une démocratie de
délégation fondée sur le suffrage universel, cependant le plus souvent
réduit aux hommes. Si cet élargissement de la démocratie « bourgeoise »
réclama des combats et des révoltes, il s'avéra rapidement que la
participation des salariés et des paysans aux institutions élues
favorisait leur acceptation du régime et leur intégration au système
économique et social. A côté de la répression ouverte - étatique ou
patronale - furent mis en place des dispositions, des politiques
permettant de diviser et de contenir les contestations. Au milieu du 20ème
siècle, le keynésianisme, combinant l'élévation de niveau de vie et la
reconnaissance aux travailleurs - hommes et femmes - de droits nouveaux,
déboucha sur de nouvelles pratiques de gouvernement. Les choix générateurs
de conflits tendent à être négociés avec les parties concernées, avant que
les assemblées élues ne soient saisies. Les cabinets ministériels
organisent ou suscitent les compromis compatibles avec les orientations
gouvernementales, marginalisant s'il le faut des positions extrêmes, ils
réduisent ainsi l'acuité des oppositions d'intérêts et d'idéologies.
Cette démocratie de consensus transforme la fonction parlementaire. Les
débats des assemblées plus ou moins retranscrits et simplifiés par les
médias sont l'occasion pour les partis d'exprimer leurs positions, mais
ils ne servent finalement qu'à vérifier la cohérence juridique et la
faisabilité politique des propositions gouvernementales. Non seulement
l'initiative et l'élaboration des lois échappent pour l'essentiel au
parlement, mais pour peu que des procédures électorales favorisent les
partis et les positions centristes il devient difficile de différencier la
droite et la gauche parlementaires. Cette « démocratie » d'antichambre,
faute de confrontation explicite des positions des couches et des groupes
sociaux concernés, faute de choix politiques clairs, ne répond pas à la
complexité sociale qu'elle prétend gérer. Elle est une des principales
causes de la désaffection électorale.
Mais la cause majeure de la crise politique, c'est la confusion dans
lesquelles s'opèrent la translation et la dispersion des pouvoirs du
politique vers l'économique, de l'Etat national vers l'Europe et le Monde.
Les gouvernements sont apparemment paralysés par les intérêts de quelques
centaines d'oligopoles planétaires. L'activité et la localisation des
établissements financiers et industriels seraient tributaires de la course
au profit des transnationales. D'autant que nombre des pouvoirs y compris
souverains sont déjà dévolus à des instances européennes ou mondiales. La
plupart de ces institutions et notamment le Conseil de sécurité de l'ONU,
le G7, le FMI, l'OMC, composés par les représentants des Etats membres,
échappent à toute désignation et contrôle démocratiques. Les différents
restent obscurs ; il n'y a pas de débats et de consultations populaires,
mais des compromis confidentiels et incertains. De surcroît, entre les
pouvoirs financiers et politiques, s'est développé, notamment depuis la
seconde guerre mondiale, une nébuleuse d'organismes officiels ou officieux
où les cercles dirigeants confrontent leurs orientations, mais aussi
définissent des normes, des règles, procèdent à des arbitrages et tissent
ainsi un réseau de pouvoirs dont les ambitions grandissent comme en
témoigne le projet d'AMI, pour l'instant avorté.
En fait la très grande majorité des partis, des politiciens, des hauts
fonctionnaires sont favorables ou résignés à la domination du Capital
globalisé. Ceux et celles qui lui sont hostiles et voudraient ouvrir un
processus de rupture et de dépassement craignent de mettre en péril leurs
assises politiques voire leurs positions institutionnelles . Car si ils
savent que les anciennes orientations, les anciens schémas sont obsolètes
où erronés, l'élaboration - nécessairement collective - de nouvelles
perspectives est encore embryonnaire.
Les Alternatifs, comme tous les courants politiques militant pour un
changement de société, se trouvent ainsi devant des nécessités
contradictoires. Pour l'opinion populaire, la présence dans les assemblées
élues, voire dans les exécutifs, est encore une preuve nécessaire de
représentativité, donc d'une certaine efficacité. Mais cette participation
et a fortiori les éventuelles responsabilités risquent fort d'être
confondues avec les partis dominants à gauche et d'être entraînés dans le
même discrédit.
Aussi participer à une majorité de gestion, dans une municipalité, un
conseil général, un conseil régional, à l'assemblée nationale, suppose des
appuis et des liens permanents avec les forces et les mobilisations
sociales et sociétales.
Les partis sont le produit du parlement. Dès qu'il y a des représentants
et des débats, les coteries et les clubs font place aux partis.
Progressivement ils se donnent des références idéologiques, ils adoptent
une posture, ils sont royalistes et républicains, conservateurs ou
libéraux, radicaux ou socialistes. Par fonction, ils doivent répondre à
tout. Ils s'inscrivent donc dans une expérience, dans une histoire.
Les partis n'échappent pas à la crise de la démocratie de consensus , à
la crise de l'Etat-Nation. Ceux qui critiquent la société, ceux qui sont
partisans de changements plus ou moins radicaux n'en sont pas pour autant
protégés. Dans l'actuelle situation les partis sont soumis à des
déterminations et des contradictions de plus en plus difficiles à
contenir. Dans cette démocratie de délégation ce sont les modalités de
représentation, le dispositif des partis qui structurent le champs
politique, lui donne une certaine lisibilité, désigne une droite, une
gauche, un centre. Ainsi la Constitution française avec le scrutin
uninominal à deux tours qui caractérise les deux élections principales
pour la Présidence de la République et les députés tend à découper
l'échiquier politique en quatre cases. Les partis postulants à un rôle
effectif sont obligés pour ce faire de déloger l'un des occupants
traditionnels. La droite et la gauche établie s'efforcent elles de trouver
des voix dans la clientèle électorale adverse, et pour cela de tempérer ou
de radicaliser leurs discours. La France se gouverne au centre disait
Giscard d'Estaing mais le « centrisme » comporte aussi le risque de voir
naître de nouveaux partis plus proches des attentes fondées ou fantasmées
d'une partie de l'électorat. Le rôle structurant des partis tient à ce que
le repérage, la latéralisation renvoie à leur fonction socio-politique. Le
parti représente et en même temps construit un groupe, une couche sociale
; les intérêts et les idéologies se confondent autant qu'ils se
confortent. Lorsque le rôle structurant du parti dépasse la scène
politique pour s'exercer dans les principaux champs sociaux, on assiste à
la formation d'une véritable culture. En France, au delà des aléas
conjoncturels, il y a ainsi à gauche, non seulement un parti socialiste,
un parti communiste mais de véritables cultures socialistes ou
communistes, avec leurs références, leurs auteurs, leurs mythes. La
démocratie chrétienne, le gaullisme, avaient ce statut ; leur
déliquescence rappelle, si il en était besoin, que les programmes, les
idéologies, les pratiques, les assises électorales, et donc aussi le
devenir des partis ne sont nullement figés. Mais si il y a une crise de la
« forme parti », cela ne signifie pas qu'ils soient tous appelés à
disparaître, mais à se transformer, à se scinder, à laisser place à de
nouvelles structures. Aucune stratégie de changement ne peut les nier ou
les ignorer. Certes le changement de société suppose non seulement un
changement des partis mais sans doute aussi un changement de partis. Mais
c'est dans l'articulation, dans la dynamique contradictoire, qui lie et
qui oppose la gauche actuelle - Verts inclus - et les mouvements sociaux
que peut se construire le projet et la force politique de changement, de
rupture.
Mais aussi novateurs soient-ils, les mouvements sociaux ne peuvent à eux
seuls produire une nouvelle société. De ce point de vue, l'existence d'un
mouvement politique alternatif rouge et vert, lieu de mémoire, de synthèse
et d'initiatives, est une des conditions nécessaires à l'émergence d'un
nouveau projet et d'une nouvelle alliance sociale.
Les partis de gauche - Verts compris - doivent redéfinir à la fois leurs
objectifs politiques et leur articulation avec les contestations, avec la
société. Les avantages et les honneurs du pouvoir, le poids des
idéologies, l'incertitude des perspectives novatrices se combinent pour
nourrir l'immobilisme. D'autant que les difficultés profondes de la
droite, écartelée entre le libéralisme global, prôné par les entreprises
planétaires, et les inquiétudes de la bourgeoisie traditionnelle, font
apparaître comme positive pour le système existant de la gestion
social-démocrate. Très vraisemblablement dans le même temps les
manifestation et les mouvements qui signalent l'apparition d'attentes plus
radicales se multiplient ; les dissensions et les abstentions se
développent. Une mutation s'avère indispensable. Tous les partis de gauche
- grands et petits - ne la réussiront pas. Une refondation politique, une
autre force politique sont nécessaires. Elles doivent être entreprises dès
à présent. Les Alternatifs, catalyseurs ou précurseurs, veulent en
construire l'ébauche. Les trois conditions réciproques d'un changement
radical doivent être développés : un projet politique, des mouvements
sociaux, un bloc social large et stable.
Un tel projet politique de rassemblement ne peut s'élaborer en dehors
d'une confrontation permanente entre les partis et les mouvements sociaux.
C'est seulement ainsi qu'il répondra effectivement à l'expérience et aux
attentes de ces mouvements. C'est seulement ainsi qu'il sera approprié par
le plus grand nombre. Dans la politique sociale, comme dans le débat
politique, ne pourront finalement avoir une fonction révolutionnaire que
les formations politiques dénonçant et abandonnant la hiérarchie et
l'hégémonie
traditionnelles. Pour lever les craintes compréhensibles, développer les
échanges transversaux, il est indispensable d'utiliser les espaces et les
moments favorables au débat et à l'initiative collectives.
Mouvements ou partis politiques d'un type nouveau ne pourront contribuer à
la synthèse et au rassemblement populaire qui justifient leur existence
qu'en reconnaissant l'autonomie de chacun des mouvements sociaux, en
combattant les tentatives et les tentations de manipulations.
Cela signifie que les organisations politiques en incitant leurs membres
et leurs amis à participer individuellement aux divers mouvements de
contestations doivent s'interdire la constitution de fractions ou de
tendances partidaires. Les structures et formes diverses de contestation
sociale et politique doivent non seulement se reconnaître un droit
réciproque à la critique mais l'organiser. Les débats publics et les
initiatives communs deviennent dès lors possibles et acceptés par tous.
Le développement des mouvements sociaux dans leur diversité est maintenant
la condition première de radicalisation et de transformation de la gauche.
Mais cette refondation n'est pas un préalable mais un aboutissement. Alors
que les milieux populaires - certes souvent plus résignés qu'enthousiastes
- soutiennent ou suivent les partis de gauche, il est contre-productif de
privilégier leur dénonciation. Cela ne peut entraîner dans leurs rangs que
démoralisation pour les uns et rancoeurs pour les autres. C'est en
positif, dans les combats communs, dans les débats qui les accompagnent
que de nouvelles avancées peuvent apparaître réalistes. Mais que la droite
ou la gauche gouvernent, la participation ou le soutien aux mouvements
sociaux ne suffit pas. Car pour le développement et la généralisation de
ceux-ci, il faut une perspective politique, il faut qu'apparaisse
concrètement la possibilité d'un gouvernement répondant à leurs attentes
et donc d'une force ou d'une alliance politique prête à le constituer. Les
associations et les clubs qui se satisfont de débats internes, qui ne
testent pas leurs hypothèses et leurs propositions dans l'opinion et dans
la réalité peuvent se multiplier sans rien transformer. La présence dans
les élections, dans les assemblées élues et parfois dans les exécutifs
sont la condition d'existence d'un courant, d'un projet politique pour la
grande masse de la population et donc en retour pour ceux et celles qui
veulent un changement de société. L'unité d'action est toujours nécessaire
; l'unité électorale est parfois possible. La participation a des
exécutifs sans démocratie active, sans appui et mobilisation populaires
est contre-productive. Elle ne ferait au mieux que contribuer à une
gestion « sociale » du capitalisme mondialisé. Les propositions et
pratiques unitaires sont utiles si elles renforcent les luttes populaires
; elles sont néfastes si elles les ignorent et pires si elles les
étouffent.
Au cours des années 80, se sont développés des groupes politiques locaux.
Ces groupes étaient issus d'un double processus : crise au sein
d'organisation de la gauche critique et alternative et volonté d'oeuvrer
au niveau local en l'absence de perspectives d'ensemble. Ces groupes se
sont pour partie délités, d'autres s'interrogent sur la possibilité de
dépasser le cadre local. Depuis quelques années dans une conjoncture plus
offensive, de nouvelles formes politiques émergent, signe des
dysfonctionnements de la démocratie parlementaire et de la dévalorisation
des partis, de gauche notamment. Certains les caractérisent comme «
politico-associatifs », d'autres comme « éthico-politiques ». Elles
procèdent de choix éthiques qui correspondent aux aspirations à
l'autonomie que fait naître l'évolution qualitative de la formation et de
la culture. Aux associations, elles empruntent leur structure et leur
fonctionnement et aussi leurs membres avec une diversité certaine de
motivations. Elles ont généralement un objet limité et un périmètre large
comme ATTAC. Mais dans les quartiers et les petites villes, pour suppléer
aux partis de gauche, s'ouvrent des espaces de débats et d'initiatives :
café-politique ici, forum là, ils sont alors polyvalents dans un
territoire restreint. Il y a là des tentatives significatives, mais leur
avenir est incertain. Elles peuvent se stabiliser, en se limitant à leur
objectif initial. C'est l'exemple des vénérables ligues qui se sont
constituées en France dans la seconde partie du 19ème siècle pour
l'enseignement ou pour les Droits de l'Homme.
Elles peuvent élargir au contraire leurs ambitions, se transformer en
mouvement politique généraliste, s'engageant dans le jeu électoral et se
transformant dès lors en parti. En l'absence d'une histoire commune ou
d'un référent idéologique fort, leur avenir est aléatoire, en tout cas
conflictuel. Le pragmatisme les pousse à s'adapter aux règles de la
médiatisation et du parlementarisme. Les Verts, en Allemagne comme en
France - eux même produits des scléroses de la gauche - sont l'exemple de
l'intégration progressive au système qui menace toute tentative
d'innovation politique sans ancrage social et théorique.
Dans le champ des formes et des forces politiques, le rôle du pouvoir
médiatique n'est pas sans conséquences. Courtisés mais souvent directement
dépendants, les professionnels des médias entretiennent la politique
spectacle qui appauvrit ou fausse les termes du débat politique. Ce
système est un véritable obstacle à une démarche démocratique
autogestionnaire. Pourtant dans ce champ existent aussi des aspirations à
des alternatives dont témoignent le succès de nouveaux journaux ou revues.
haut
La démocratie active :
Les luttes pour une autre démocratie vont - très vraisemblablement - être
le fil rouge des mobilisations sociales et politiques de la période qui
s'ouvre.
Dans le même temps où, sous la pression des principaux Etats occidentaux,
la démocratie parlementaire se généralise dans le monde, elle montre à
tous des limites nouvelles. L'acceptation par les gouvernements en place
de la prééminence du capital réduit la légitimité du régime politique.
D'autant qu'aucun pouvoir centralisateur, national, continental et a
fortiori planétaire ne peut plus prétendre diriger et réguler seul une
société où grandissent la complexité, la complémentarité des activités
sociales et l'autonomie des individus. L'absence de débats, de
concertations, de choix explicites ou de lisibilité entre les diverses
politiques rend de plus en plus aléatoire la gestion du système. Le
politique est le talon d'Achille du capital mondialisé.
La dilution et l'éloignement des pouvoirs, l'absence d'interlocuteurs
ayant effectivement une capacité de décision, la réduction au spectacle du
débat politique vont conduire les mouvements de contestation à se
retrouver dans la critique de la démocratie réellement existante. Cette
conjonction peut déboucher sur de réelles confrontations et la définition
d'objectifs partagés. Les luttes communes pour la démocratie - défense des
acquis et nouvelles avancées - devraient être un axe essentiel de
constitution d'un nouveau rassemblement.
Un tel rassemblement, manifestant dans les formes les plus diverses son
poids social et politique, peut conduire la minorité dominante et
gouvernante à certaines concessions. Les raisons profondes subsistant, les
demi-mesures ont toutes chances d'accroître la radicalité des
mobilisations.
Les Alternatifs ne s'en tiennent pas à la dénonciation des institutions
politiques actuelles. Mais ils ne prétendent pas opposer à celles-ci une
construction idéologique, un schéma achevé. Il faut nous inspirer les uns
et les autres du passé et du présent, des luttes, des avancées, des
impasses d'hier, des contradictions, des ouvertures, des dynamiques
d'aujourd'hui. Ainsi fondées les propositions des Alternatifs sont
soumises aux débats et à l'expérience des forces progressistes, sociales
et politiques.
Au paroxysme des luttes et des conflits, c'est la démocratie directe, la
démocratie d'assemblée qui répond aux attentes du plus grand nombre. Mais
les mobilisations populaires ne peuvent être permanentes. Pourtant les
attentes des individus et des collectifs, mais aussi l'optimisation du
fonctionnement de l'entreprise, de l'enseignement, de la cité réclame une
prise en main aussi large et aussi ouverte que possible par les intéressés
eux-mêmes. En même temps l'interdépendance croissante des activités
humaines, à l'échelle locale, nationale mais aussi continentale et
planétaire réclame des concertations, des décisions, des arbitrages, donc
des délégués, des instances représentatives. C'est dans l'articulation
entre l'autogestion et la délégation que peut se réaliser une nouvelle
démocratie, des réseaux de contre pouvoir, des syndicats, des associations
et des conseils de citoyens venant à tous les niveaux interpeller les
pouvoirs politiques et économiques.
L'enjeu n'est pas essentiellement institutionnel. Le dépassement du
capitalisme appelle une véritable culture démocratique. Chaque homme,
chaque femme doit pouvoir comprendre et peser sur les choix politiques.
Ils doivent exercer des responsabilités dans l'un ou/et l'autre des champs
sociaux qu'ils traverseront dans le cours de leur existence.
Les luttes pour la démocratisation de la démocratie, point de rencontre
des divers mouvements de contestation, les amènent à concevoir et
présenter différemment leurs objectifs. Dans ce processus, apparaissent
autrement les contradictions dans lesquelles est engagé le
producteur-consommateur, le salarié-actionnaire, l'individu-citoyen.
L'appropriation sociale de la production des biens et des services, des
patrimoines humains et naturels - condition majeure et peut-être ultime
d'un changement de société - sera alors perçue et conçue différemment.
Les initiatives et les luttes pour la démocratisation doivent être
développées dans l'ensemble des institutions et des champs sociaux. Aussi
bien dans les organisations de contestation politique et sociale (partis,
syndicats, associations) que dans les rapports entre organisations, et
notamment entre les partis et les autres structures. Enfin l'organisation
constitutionnelle, les institutions représentatives doivent elles-mêmes
être mises en question. Il y a donc des nécessités générales
- le droit d'expression et de représentation des divers
courants de pensée ;
- des procédures permettant des débats effectifs, des
décisions responsables (majorité qualifiée, décentralisation des débats
suivis éventuellement de référendums...)
- contrôle des organismes de base sur les délégations
ponctuelles ou pérennes ;
- collégialité et rotation des responsabilités exécutives,
avec représentation des divers courants existants ;
- marge d'autonomie et d'expérience des structures
élémentaires.
A gauche, les partis, quelle que soit leur taille, ont une responsabilité
particulière dans la démocratisation. Au nom des intérêts généraux qu'ils
étaient censés connaître et défendre, ils ont prétendu à un monopole du
politique, à une hiérarchisation mettant sous leur contrôle les syndicats
et les associations. Erronée hier, cette attitude est maintenant
catastrophique. Pour recréer une dynamique populaire, pour aboutir à un
projet politique assumé par le plus grand nombre, il doit s'établir une
dialectique explicite entre toutes les formes de contestation politique et
sociale. La confrontation systématique, le droit réciproque à la critique
sont souhaitables. Ils ne sont réalisables que lorsque les associations et
syndicats sont assurés de n'être ni manipulés, ni noyautés. L'avancée
démocratique réclame aussi un dialogue direct entre les hommes et les
femmes engagés dans les divers mouvements de contestation sociale et
politique. Cela appelle la multiplication « d'espaces citoyens » combinant
la réponse aux problèmes du proche, du quotidien et la prise en compte des
plus graves dysfonctionnements qui affectent l'humanité (famine,
dictature,
analphabétisme, destruction des cultures et des écosystèmes etc...) Ainsi
dans ces rencontres des contestations et des cultures peuvent se
reconstruire et s'exprimer les solidarités populaires.
Pour les assemblées élues :
- la plus grande part possible de pouvoir doit être assurée au
plus près des intéressés ;
- élection au suffrage universel direct et proportionnel de
toutes les assemblées et instances ;
- consultation publique des syndicats et des associations par
les instances élues ;
- primauté du législatif sur l'exécutif ;
- détermination par les intéressés eux mêmes des périmètres
administratifs (région, communauté, pays) ;
- transformer les municipalités et les collectivités
territoriales, à condition qu'elles soient élues au suffrage universel,
en acteurs premiers de la démocratisation (budget participatif, comités de
quartier, aides aux associations et syndicats etc...)
Il faut déjà que le mouvement progressiste s'interroge et s'engage dans de
nouvelles expériences ; qu'il dessine les compétences et les articulations
nécessaires, aussi bien entre les divers niveaux de responsabilité
territoriale (local, régional, national, européen continental, planétaire)
qu'avec les différentes approches de rapports sociaux (économie, égalité
homme-femme, éducation, culture, urbanisme, aménagement, écologie etc...)
La mondialisation permet, pour nombre de production de biens et de
services, la mise en concurrence des travailleurs du monde entier et dans
le même temps des profits pharamineux pour les mastodontes économiques.
Elle conduit ainsi à la faillite de nombre d'entreprises viables dans
d'autres
conditions. La relance et le développement de coopératives de production
et de consommation, des mutuelles, des formes nouvelles d'économie
solidaire, la prise en charge par les travailleurs des entreprises en
déshérence témoigneraient déjà que d'autres règles économiques sont
préférables et possibles. Les précédents, s'ils conduisent à écarter le
mythe d'une planification centrale et autoritaire, obligent à reprendre la
réflexion sur les relations entre le marché et la planification
démocratique.
La construction d'une démocratie de proximité, les luttes pour de
nouvelles avancées démocratiques ne signifient nullement un changement
sans heurt. Les avancées sectorielles ou partielles risquent fort d'être
remises en question, contournées. Ces succès partiels sont cependant une
condition de mobilisation, de radicalisation. L'échec s'il nourrit la
colère alimente aussi le désarroi.
Les contradictions historiques ou spécifiques du capitalisme maintenant
global ne peuvent manquer de produire des crises, financières,
économiques, politiques, écologiques, sociétales. « Tous ensemble » nous
devons en combattre les causes et les conséquences, sans l'illusion d'un
moment et d'une réponse unique, mais avec la volonté de construire une
autre société, une autre civilisation.
Texte collectif.