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Accord national interprofessionnel pour la sécurisation de l’emploi : une régression sociale désastreuse.

Le titre du texte signé le 11 janvier dernier à l’issue de trois mois de négociations - menées dans une grande discrétion - par MEDEF, CFDT, CFTC et CGC, annonce la couleur : « Accord national interprofessionnel pour un nouveau modèle économique au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salarié ».
Immédiatement salué par le Président de la République comme un « succès du dialogue social » qui doit être transcrit tel quel dans la Loi, ce texte a entrainé dans les médias plus de commentaires que d’explications de texte. Ce qui est très dommage au regard de son contenu désastreux.


Le crescendo des cinq titres qui le structurent est d’ailleurs tout à fait explicite :

  1.  : « Créer de nouveaux droits pour les salariés afin de sécuriser les parcours professionnels.
  2.  : Renforcer l’information des salariés sur les perspectives et les choix stratégiques de l’entreprise pour renforcer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
  3.  : Donner aux entreprises les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels et de préserver l’emploi.
  4.  : Développer l’emploi en adoptant la forme du contrat de travail à l’activité économique de l’entreprise.
  5.  : Rationaliser les procédures de contentieux juridique. »

Côté gouvernemental, le ministre du travail, Sapin, estime que c’est la « preuve que la France est capable de mettre en place une démocratie sociale moderne », tandis que le Premier Ministre, Ayrault, affirme que « par son ampleur c’est le plus important accord depuis plus de trente ans parce qu’il s’inscrit dans cette perspective de faire en sorte que notre pays gagne en compétitivité économique ».
Le MEDEF s’affiche tout aussi laudatif. Pour sa présidente, cet accord « va donner aux entreprises, aux petites comme aux grandes, de nouveaux outils pour pouvoir s’adapter, pour pouvoir faire face à la conjoncture et même aux ruptures technologiques ». « C’est totalement un accord historique, en tout cas il le sera quand il sera voté par le Parlement. Il est tout-à-fait essentiel que le Sénat et l’Assemblée nationale respectent, à la lettre, le texte » a précisé Laurence Parisot ajoutant que le contenu de cet accord du 11 janvier est « profondément innovant, parce qu’il couvre un champ très large de la vie du travail, de la vie sociale, parce qu’il va transformer la gestion des ressources humaines. »
Principal syndicat signataire, la CFDT explique que « négociation oblige, elle a évidemment dû faire des concessions par rapport à son mandat initial, alors que le patronat s’est montré intraitable », mais qu’en l’état cet accord constitue « un texte ambitieux pour l’emploi et les parcours professionnels des salariés ».

Du côté de la majorité syndicale justement opposée à ces reculs, la CGT explique que « ce texte marque une grave régression des droits sociaux des salariés et va a contrario des objectifs fixés par la « Grande Conférence sociale » et celle de la « lutte contre la pauvreté ». Il contient de multiples dispositions pour faciliter les licenciements et accentuer la flexibilité … La thèse du MEDEF est le principal fil conducteur de cet accord : « les licenciements d’aujourd’hui feront les emplois de demain ».Il serait inconcevable que la majorité parlementaire et le Gouvernement, issus des élections de mai 2012, entérinent dans la loi les reculs sociaux dictés par le MEDEF.

Même son de cloche du côté de Force Ouvrière : « Au nom du principe dangereux selon lequel il faut d’abord pouvoir licencier pour pouvoir embaucher, ce projet d’accord est profondément déséquilibré » Il « inscrit le social comme variable d’ajustement d’une politique économique de rigueur tant au plan national qu’européen. En terme de flexibilité (accords dits de maintien de l’emploi avec la baisse des salaires – nouvelles procédures pour les PSE – mobilité interne forcée – CDI intérimaire – CDI intermittent…), le projet d’accord constitue une remise en cause importante des droits des salariés. Il en est de même pour la sécurisation judiciaire des employeurs au détriment des salariés ».

De son côté la FSU, scandaleusement exclue avec Solidaires et l’UNSA de ces négociations nationales, souligne que « dans les faits, le MEDEF a tout au long de la négociation continué à peser pour pouvoir licencier sans motif, tout en exigeant toujours plus des salariés », tandis que, de son côté, Solidaires affirme que « cet accord institutionnalise davantage la précarité par la généralisation des contrats de projets et les contrats à durée indéterminée intermittents, instaure une super-flexibilité par de nouvelles mesures de mobilité, la généralisation de l’accord compétitivité/emploi, et de nouvelles modalités pour les PSE, en se dégageant systématiquement des obligations légales et conventionnelles du licenciement économique, spolie les salariés-es par une barèmisation plafonnée en cas de licenciements sans cause réelle et sérieuse, réduit les délais de recours des syndicats en matière de licenciements économiques collectifs et de contestation aux prud’hommes ».

Le gouvernement Hollande-Ayrault avait fait de cette négociation sur la « sécurisation de l’emploi » un enjeu majeur en appelant même à un « compromis historique ». Il s’agissait pour lui, en réalité, de répondre aux injonctions de l’Union européenne et du patronat pour augmenter la compétitivité des entreprises en imposant plus de flexibilité, c’est-à-dire en facilitant les licenciements et les modulations salariales. Si cet accord répond parfaitement à cet objectif, il est aujourd’hui largement minoritaire et donc, politiquement, c’est heureusement loin d’être gagné.

En effet ce texte ne devrait venir devant le Parlement qu’en mai prochain. Il reste donc au minimum 100 jours pour le décortiquer, l’expliquer et, avec tous les syndicats et syndicalistes opposés à cette régression, construire une opposition sociale à ce qui est en l’état une capitulation désastreuse face aux exigences libérales de la Troïka (FMI, UE, BCE) et du MEDEF.

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