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CHOMEURS ET PRECAIRES AU COEUR DE LA QUESTION SOCIALE
Evelyne PERRIN a recueilli les témoignages de militants des associations de chômeurs et de jeunes salariés précaires (1), par son engagement à AC!, au réseau Stop précarité et au sein des comités de soutien aux grèves de MacDo, Maxilivres, Arcade dans les années 2001-2003.
Cette génération a conscience de ne pouvoir compter que sur elle-même car elle a perdu la confiance dans la classe politique « et dans une moindre mesure dans les syndicats » et elle se « débat seule contre les conditions de travail et d'emploi dégradées qui lui sont proposées. Pourtant ces jeunes sont demandeurs de « régulations collectives nouvelles pour compenser l'instabilité de l'emploi » et attendent des structures collectives qui pourraient exister, une riposte au «précariat». Ils attendent de l'Etat « l'instauration de nouvelles garanties collectives alliant mobilité professionnelle et continuité des droits et du revenu, afin de prendre en compte les mutations du capitalisme ». Dans la troisième étude, Evelyne Perrin analyse les luttes des jeunes précaires, souvent syndiqués.. A travers ces nouvelles formes, davantage fondées sur l'autonomie et la confiance réciproque, ils révèlent la crise du syndicalisme, y compris dans la CGT au sein de laquelle ils sont souvent engagés. Les luttes dans la restauration rapide ou dans les multinationales de produits culturels sortent de l'entreprise pour déborder dans la rue, elles sortent également du carcan syndical en faisant appel à des soutiens diversifiés extérieurs à l’entreprise. Elles montrent un renouveau de combativité et de syndicalisation chez les jeunes salariés « dont on dit habituellement qu'ils se détournent du syndicalisme ». Le syndicalisme ne pourra se saisir de cette mutation, de ces nouvelles exigences des jeunes salariés, que s'il hisse au rang de ses priorités la lutte contre la précarité de l'emploi. Une analyse actualisée de la position des syndicats sur la précarité et de leur rapport aux luttes des salariés précaires reste à faire. La CGT dénonce le développement de la précarité de l'emploi et avance des propositions pour « redonner aux salariés une protection face à la flexibilité du marché du travail », mais sur le terrain elle éprouve des difficultés à prendre en compte les revendications des précaires en raison de sa difficulté de les organiser. FO est muette sur la lutte contre la précarité et la CFDT a pris acte de la transformation des normes d'emploi rendues nécessaires par la modernisation de l'économie. Le Groupe des Dix, bien qu'implanté dans le secteur public, soutient les salariés précaires et appelle à la mise en place « d'une véritable Sécurité sociale élargie dans ses buts et rénovée dans son fonctionnement. La CNT est présente dans le secteur de la restauration rapide et se prononce pour l'embauche en CDI et à temps complet à la demande du salarié, pour une augmentation des salaires et une réduction des écarts de salaires entre qualifiés et non-qualifiés. Le défi de la précarité suppose une autre conception de l'action syndicale. La refondation du syndicalisme est nécessaire et urgente face à l'éclatement des statuts et aux nouvelles formes d'organisation des entreprises, pour exiger l'instauration de nouvelles garanties et protections au sein du droit du travail et organiser la résistance à l'offensive néolibérale. Les politiques sont aussi interpellés et la gauche très critiqués car elle n'a pas eu de" réponse très claire ni structurée face à la précarisation rampante du salariat": les positions des principaux partis de la gauche (PS, PCF et Verts) sont restées au mieux "peu audibles". Il reste aux partis de gauche à bâtir de réelles propositions "pour contrer le développement de la précarité de l'emploi, par la mise en avant d'un droit à un statut professionnel et à un revenu, quels que soient les aléas de l'emploi, dans une société qui privilégie le travail flexible". René Seibel |