AU BRESIL, LE MOUVEMENT DES SANS-TERRE A ETE LA CIBLE D'UNE ATTAQUE QUI A FAIT CINQ MORTS
Après les élections municipales d'octobre, le MST a relancé la mobilisation pour la réforme agraire.
Le nom du campement est "Terre promise", celui de la localité Felizburgo (Heureux bourg), dans la
vallée du Jequitinhonha (Etat de Minas Gerais). Une centaine de familles paysannes y attendaient que
la justice leur attribue 600 hectares. Samedi 20 novembre, le malheur est arrivé sous la forme d'une
violente attaque. Bilan : cinq morts et treize blessés, dont un enfant de 12 ans. La moitié des
abris est partie en fumée.
Les paysans du Mouvement des sans-terre (MST) "s'étaient établis là avec l'autorisation de la
justice, a souligné Miguel Rosseto, le ministre de la réforme agraire. Les criminels seront punis,
il n'y aura pas d'impunité". Le commanditaire de l'attaque serait le propriétaire des terres. Son
administrateur a été emprisonné mardi, alors que trois suspects étaient déjà sous les verrous.
"Nous avons comme orientation d'éviter que la lutte pour la terre ne devienne une lutte violente",
expliquait, quelques jours auparavant, Joao Paulo Rodrigues, dirigeant du MST. Après avoir respecté
une trêve tacite jusqu'aux élections municipales du 3 et 31 octobre, le MST a lancé une campagne
d'occupations, qui devait culminer avec des manifestations le 25 novembre, pour protester contre la
"morosité de la réforme agraire". L'objectif de l'année 2004 est de distribuer des terres à 115 000
familles. Jusqu'à présent, l'Institut de la réforme agraire (Incra) a remis des lots à 66 000
familles et a commencé 26 700 procédures. "Pour que la réforme agraire avance, il ne suffit pas
d'attendre avec le président Lula, explique M. Rodrigues. Nous devons mobiliser la société pour
qu'elle exerce des pressions sur la justice, où plusieurs actions restent bloquées, et sur le
Congrès." Dans les campements du MST, 120 000 familles attendent, sans compter les candidats
d'autres mouvements.
Dans un entretien à la Folha de Sao Paulo, le leader du MST, Joao Pedro Stedile, estime que le
gouvernement soutient l'agribusiness destiné à l'exportation, plutôt que l'agriculture familiale
tournée vers le marché intérieur. "Le gouvernement doit recomposer sa base sociale en s'appuyant sur
les secteurs organisés de la société, comme le mouvement syndical, les mouvements sociaux, les
Eglises et la classe moyenne, plaide-t-il. La priorité du gouvernement a été sa relation avec le
Congrès et avec les partis, mais cela ne représente pas la société."
haut
Faute de majorité parlementaire, le Parti des travailleurs (PT) du président Luiz Inacio Lula da
Silva gouverne avec une coalition de centre-gauche. Les alliances sont au cour du bilan des
municipales, alors que la discussion fait rage au sein du PT. L'ancien maire de Porto Alegre, Raul
Pont, critique les alliances avec le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centre) ou le
Parti travailliste brésilien (PTB, populiste). Comme M. Stedile, M. Pont prône plutôt une "majorité"
extra-parlementaire. "Je ne pense pas que la défaite doit conduire le gouvernement à élargir les
alliances", dit-il.
Implantation locale
Alors que la gauche du PT parle de "défaite", la maire sortante de Sao Paulo, Marta Suplicy,
attribue l'échec de sa réélection à la politique économique. Pourtant, elle avait refusé de prendre
un coéquipier du PMDB, réduisant ainsi ses chances auprès de l'électorat centriste. Réunie dimanche
21 novembre, la direction du PT a préféré mettre l'accent sur les progrès de l'implantation locale :
le nombre de mairies est passé de 187 à 411, ses candidats ont obtenu 23,2 millions de voix, les
adhérents sont passés d'un demi-million à 750 000 en l'espace d'un an. L'argument ne convainc pas la
gauche du parti, qui y décèle une "mutation génétique" du PT, devenu une machine électorale.
Le malaise touche également le gouvernement. Même si leur interrogation est dictée par des calculs
politiciens, le PMDB et d'autres forces se demandent s'ils doivent rester dans la coalition.
Plusieurs responsables ont annoncé leur démission, notamment le président de la Banque nationale de
développement, Carlos Lessa.
Frei Betto, conseiller présidentiel, et Ana Fonseca, chargée de la politique sociale, ont
démissionné tous les deux, alors qu'ils ne s'entendaient pas sur l'application du programme-phare
"Bourse famille".
Entre-temps, la nouvelle star du Parti du front libéral (PFL, droite), César Maia, réélu maire de
Rio de Janeiro dès le premier tour, vient de lancer la course à la présidentielle de 2006. Dans les
villes, les priorités de l'opinion publique ne sont ni la terre ni la faim, mais l'emploi et la
sécurité.
Paulo A. Paranagua
haut