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Tribune 16 mars

BOLKESTEIN

Mais comment peut-on prétendre que la directive Bolkestein n'est pas fondée dans le projet de constitution ? Ce sont les mêmes hommes, la même commission, qui, à la même date, en mars 2004, ont donné le coup d'envoi à la constitution et à la directive Bolskestein. Chirac, Barnier, Lamy, entre autres étaient d'accord. Le même arbre ne donne pas des cerises au printemps et des pommes en automne...

Ils feignent aujourd'hui de dissocier Bolkestein et la constitution, mais ils mentent et c'est seulement par peur du NON. La peur du NON est d'ailleurs vraiment une bonne chose, car, alliée au mouvement social, elle fait augmenter les salaires, Raffarin lâche du lest. La peur du NON chez Chirac est une alliée des manifestants du 10 mars... Le NON est l'allié des salariés. Une fois qu'ils vous auront "eu" pour le OUI, ils feront passer Bolkestein et bien d'autres choses encore. Chirac passera plus à l'aise ses deux dernières années, évoquant une autre candidature...

C'est ce qu'annoncent explicitement Barroso et Seillière (futur président de l'Unice, organisation patronale européenne). D'ailleurs Schroder est d'accord avec Bolkestein, son gouvernement l'approuve. Et Blair aussi a donné son accord, et ce sera lui, dès le premier juillet prochain - après le referendum - qui aura la présidence de l'Europe.

Votez donc NON à la constitution bolkestein ! (et à celle de l'opt out... : car il y a deux directives Dracula... On les appelle ainsi parce que comme la constitution, elles craignent la lumière...)

Les articles 1-3 et 1-4 du projet de Constitution : première base juridique du projet de directive La directive Bolkestein trouve une sérieuse base juridique dans deux articles du projet de Constitution. L'article 1-3 alinéa 2 affirme, tout d'abord que l'Union se fixe pour objectif "un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée". L'article 1-4 considère comme "libertés fondamentales" : "La libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d'établissement.garanties par l'Union." C'est, en effet, au nom de cet objectif, de la libre circulation des services et de la liberté d'établissement que la directive Bolkestein va tenter de lever tous les obstacles qui entravent ces "libertés" : les services publics, les monopoles de Sécurité sociale, les droits du travail nationaux, la protection des usagers et des consommateurs.

Le Titre III de la IIème partie du projet de Constitution : deuxième base juridique du projet de directive L'article III-137 stipule : "les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État-membre sur le territoire d'un autre État membre sont interdites." Le projet de directive Bolkestein tire toutes les conséquences de cet article. Pour faciliter la circulation des services, il veut interdire tout obstacle administratif à l'établissement des prestataires de services. Un prestataire de services serait soumis uniquement à la loi de son pays d'origine et ne devrait donc plus se conformer à des règlements et des exigences administratives nationaux divergentes. On ne pourrait, ainsi, exiger d'une société prestataire de services qu'elle ait un siège social dans le pays où elle exerce, ni même une adresse ou un représentant, ni de se soumettre aux règles applicables au même service dans le pays (être inscrit dans un ordre, posséder un accès à la profession.)

L'article III-144 précise "les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États-membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation". Impossible donc, comme le prévoit la directive Bolkestein, d'imposer aux officines pharmaceutiques venant d'un autre pays de l'Union des normes d'implantation en fonction de la population ou d'une distance géographique minimum entre prestataires, comme c'est aujourd'hui la règle en France. Impossible, aussi, d'imposer (en dehors de normes incontrôlables en matière de salaires minimum et de durée du travail) à des entreprises de construction polonaises ou baltes, le respect des conventions collectives ou tout simplement du droit du travail du pays destinataires. Impossible, également, d'imposer à une entreprise de construction slovaque ou lettone le respect des règles de sécurité pour les échafaudages ou les chantiers de désamiantage. Pour couronner le tout, le prestataire de soins s'installant dans un pays tiers ne sera plus obligé de respecter le système de Sécurité sociale du pays hôte. Pour la directive Bolkestein, en effet, le respect des systèmes nationaux de Sécurité sociale serait contradictoire avec la libre circulation des services dans l'Union. Cette directive complèterait parfaitement la réforme Douste-Blazy pour remettre en cause toute politique de santé publique en France.

L'article III-145 donne une définition très large des "services" : "Aux fins de la Constitution, sont considérés comme services, les prestations fournies normalement contre rémunération". Combinée à l'absence de définition des services publics et aux restrictions apportées aux SIEG au nom de la concurrence "libre et non faussée" dans le projet de Constitution, cette définition extrêmement large des services offre un solide point d'appui à l'entreprise de démolition des services publics orchestrée par la directive Bolkestein. Car, en pratique, à part la police, la justice (pas les frais d'avocats.) ou l'armée, aucun service public n'est gratuit : on paie l'inscription en fac, une partie de l'enseignement est privé et l'enseignement est donc payant, une partie des frais hospitaliers sont à la charge du patient. Tous ses services publics peuvent donc être, selon le projet de Constitution et la directive Bolkestein, considéré comme des "services" et mis en concurrence avec des "services" fournis par des sociétés privées d'un autre État de l'Union.

C'est un projet de directive conforme à la volonté du projet de Constitution : interdire l'harmonisation des dispositions législatives des États-membres.



Gérard Filoche

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