POUR UNE SOCIAL ECOLOGIE
un entretien avec Jean-Paul Besset,
Jean-Paul Besset a été a été rédacteur en chef de « Politis » puis au «
Monde ». Il publie « Comment ne plus être progressiste ? sans devenir
réactionnaire », où il remet en cause le mythe du progrès, responsable de
la destruction de la planète. Pour lui, le seul remède consiste en un
changement radical de nos comportements.
Vous dites que nous pratiquons un « écocide ». Que signifie ce terme ?
C'est la destruction du vivant. C'est plus que l'environnement, qui est
une notion anthropocentrique. Ce qui est en jeu, aujourd'hui, ce n'est pas
seulement la destruction de « ce qui environne l'homme », c'est la
destruction de l'homme dans son système de vie, dans son milieu de vie.
Nous vivons un tournant, un changement d'histoire à l'échelle géologique.
L'évolution de la Terre, des grands équilibres, est en train de se
bouleverser à une vitesse accélérée comme jamais, à cause de l'irruption
de l'espèce humaine en tant que moteur de cette évolution. Par toute une
série de dérives, cette espèce humaine a mis en place une machine
infernale qui menace son propre camp, sa propre espérance de vie. La
destruction des fondamentaux de l'espèce (les hommes en tant qu'êtres
vivants) entraîne en même temps une destruction de l'humain (en tant que
catégorie sociale).
Nous savons cela, y compris les politiques, mais nous ne faisons rien.
Pourquoi ? Cynisme ? Paralysie devant l'ampleur de la tâche ?
Tout cela à la fois. Nous savions qu'il y aurait en Europe, en France en
particulier, des canicules assassines. On les a découvertes sans avoir
rien fait pour en atténuer les conséquences. Nous savions que La
Nouvelle-Orléans était menacée par des cyclones qui entraîneraient des
montées des eaux, que les digues ne tiendraient pas... Nous savons tous
ces choses. Ce ne sont plus des alertes ou des angoisses métaphysiques de
quelques-uns. La réalité de la catastrophe est désormais inscrite dans
chaque discipline scientifique. C'est ancré, reconnu, discuté par les plus
hautes instances politiques, mais c'est tellement impensable savoir
n'est pas croire que l'humanité dans son ensemble, toutes populations et
classes confondues, est saisie d'impuissance. On se retrouve avec un
gouffre sous les pieds : l'échec de nos systèmes de développement, de nos
modes de vie, de nos certitudes devenues nos raisons de vivre. Tout cela
s'effondre, et il faut changer de système. Et rapidement, car il n'y aura
pas de solution miracle. Alors, bien sûr, il y a des couardises, des
lobbies, des jeux d'intérêt qui ne sont pas négligeables, mais le coeur de
la question est dans cette paralysie de la volonté, cette atonie qui
saisit l'humanité devant son propre échec. Comment concevoir que l'espèce
humaine soit menacée par son génie, par sa puissance ?
C'est un retournement culturel considérable...
Cela nous oblige en effet à remettre en cause cette valeur fondamentale
qui est la base de notre civilisation depuis deux siècles, depuis les
Lumières : la croyance en le « Progrès ». Le développement, la croissance,
l'opulence... C'est une formidable histoire que celle du progrès, qui a
sorti l'humanité de sa caverne, du Moyen Âge, des obscurantismes. Mais,
ces dernières années, il est devenu destructeur. On le voit au niveau de
la crise écologique, mais aussi de la crise sociale, avec un système qui,
plus il produit de richesses, plus il crée d'inégalités, de la précarité,
des frustrations, des pathologies de l'âme humaine... Le progrès s'est
retourné en contre-progrès comme les révolutions se retournent en
contre-révolutions.
...lire la suite :
http://www.politis.fr/article1498.html
Marie-Édith Alouf